Aucun mot ne vient. Je reste là, à fixer le papier blanc, à garder une cigarette à moitié éteinte au bord des mes lèvres. Je fixe la fraise qui se consume lentement comme si j’attendais qu’une réponse, que quelque chose surgisse enfin du néant de mon esprit. Je soupire, écrase la clope tout juste entamée dans mon cendrier tout en jetant un regard autour de moi. Eva n’est pas rentrée cette nuit et son absence se fait curieusement ressentir dans ce petit appartement. Je soupire à nouveau, râle face à mon impuissance. On s’habitude vite, à l’absence tout comme à la présence et être victime de cette constatation m’arrache une grimace de consternation. Je referme mon cahier, pose mon stylo avant d’ouvrir les volets laisse mon regard se nourrir du bleu parfait des cieux où le soleil, divin de feu, trône fièrement, projetant sur les couvertures blanches ses rayons de lumière bienfaitrices. Du haut de ma fenêtre, j’aperçois les snowborders et autres skieurs dévalant les pistes, se nourrissant d’une sensation que je ne connais pas et que je ne connaîtrais sans doute jamais. La nature ne m’avait pas affublé de ce talent là. Je n’avais aucun sens de l’équilibre, aucun talent particulier pour un quelconque sport d’ailleurs. Trop casanier, préférant demeurer une journée entière à lire plutôt qu’à me confronter à la douleur.
En revanche, l’ennui, le manque de mes gouttes et la frustration de ne parvenir à écrire faisait naître en moi un désire ardent d’aller ennuyer mon monde. D’aller provoquer encore, quitte à finir ma journée au poste, à faire face à des flics qui chercheraient à punir mon acte de vandalisme. Chouette programme, déranger les autres faisait partie de mes passes temps favoris, seul véritable domaine dans lequel je me trouvais particulièrement doué.



Un vent mordant attaque mes joues, seules parcelles de peau disponible à son agression. Confortablement installé dans ma luge, je jette un regard aux skieurs et autres sportifs m’adressant des regards courroucés. Je n’ai rien à faire ici. J’incarne un danger pour moi mais également pour eux qui devront m’éviter lors de la descente. L’un deux m’adresse un regard assistant, fait mine de s’approcher enclenchant ma décision de dévaler la piste.
Eclair rouge tranchant avec le blanc neigeux, la luge prend de la vitesse et un cri me surprend. Je goutte à cette sensation divine de n’être que rien, me nourrie de ce sentiment nouveau, cette certitude incroyable que ma vie ne tient soudain, plus qu’à un fil. Je joue avec la mort et freine que quelques mètres avant la fin de la descente. C’est à ce moment précis que le choc ce produit. Je ne comprends pas réellement ce qui se passe, le danger venait dans mon dos. On me frappe, ma luge dévie sur la gauche et se renverse m’emmena impitoyablement avec elle. Je me retrouve la tête dans la poudreuse, le corps douloureux, surpris de la violence du choc, surpris de ne pas m’être fait plus mal que cela.
Je me redresse difficilement, chasse la neige de mes cheveux avant d’apercevoir une silhouette quelques mètres plus loin. Un skieur m’a visiblement heurté et je m’approche lentement, me méfiant de la réaction de l’inconnu.
« Pardon. Je n’avais pas vu que c’était une piste que pour les skieurs. »
J’annonce la couleur, camoufle ma provocation latente derrière un sourire emprunt d’une fausse sincérité. Je tends la main vers l’inconnu, lui propose mon aide sans me départir de mon sourire de gros con : « J’espère que tu ne t’es pas fais mal. » C’est faux, je n’espère rien, je sauve juste ma peau, parce que ça m’amuse, parce que ça m’excite, parce que je n’ai rien de mieux à faire.