« Une double » - vodka martini, c'est ce que le barman entend, comprend. Sacha, il revient souvent, squatter le zinc, l'air endeuillé, fringué comme un croque-mort parce qu'il faut savoir le porter. Le noir complet. C'est dans sa tête qu'il se déploie sans que personne ne veuille y remédier. Mis à part Vodka. Madame Smirnoff. Elle, elle sait exactement comment guérir les maux mais pas les mots, qui eux, fleurissent impunément dans sa caboche tandis qu'il se repasse en boucle les paroles lancées. Les piques essuyées, il en reste, là, dans son cœur qui sont plantées, profond et qui à chaque mouvement menacent de l'échancrer, pauvre cœur. Sacha, il suit du regard l'employé, dans un silence solennel. Il ne faudrait pas qu'il rate le mélange. Qu'il nique complètement ses chances d'apprécier le breuvage. Même si. Même si, au fond, il n'a jamais été vodka-loveur. Il n'aime pas spécialement l'alcool mais, personne n'a encore trouvé meilleure façon de noyer le chagrin, d'oublier les soucis qui eux, eux, jamais ne semblent s'en aller. Ils restent toujours, pas bien loin. « Voilà » monosyllabe apprécié. Il aura droit à un joli pourboire, le barman qui évite élégamment de lui poser la question, celle qu'on lui pose tout le temps : hey, peine de cœur ? Qu'est-ce qui pourrait justifier qu'un mec aussi classieux et aussi jeune vienne s'asseoir , esseulé, dans un coin aussi paumé, pour boire ? Sans même jeter un regard aux dizaines de gonzesses qui peuplent la place – putes et filles à papa confondues ? Peine de cul. La peine de cul n'existe pas. Pourtant, des cons de par le monde y ont déjà pensé. Parait que c'est ce qu'on appelle : hémorroïdes. « Merci ». Effort incroyable, à saluer. Sacha qui croit souvent que tout lui est dû. Qui considère le monde comme sien, loin d'être idéaliste, le monde a depuis longtemps cessé d'être son terrain de jeu. Si ce n'est le seul terrain de « je » dans lequel il puisse encore s’épanouir. Quinze putains de séances chez le psychothérapeute pour en arriver à un mantra aussi foireux. Ça mérite bien un verre ou deux ou plusieurs, pourquoi s'arrêter lorsqu'on est si bien lancé ? Le blond, il inspire profondément et porte le verre à ses lèvres, les trempe, d'abord. La fraîcheur les lui lèche , un sourire vient lui vriller les traits lorsqu'il hume le parfum aux notes si féminines qui flotte à ses côtés. Il l'a déjà senti plusieurs fois, plusieurs nuits. « Mademoiselle Jenkins » - parfois, il en faut peu pour créer des liens. Plutôt, pour créer des liens, Madame Smirnoff, elle répond toujours présente. Une vraie marieuse, celle-la. « Je commençais presque à me sentir trop seul ». Faux. Il se sent déjà bien trop seul. Bien trop souvent. « A quel jeu on joue aujourd'hui ? ». A ceux qui se mentent ou à ceux qui s'en fichent ?
playfully - Sope
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